mercredi 26 septembre 2012

Brésil, violence dénoncée contre les Sans Terre à l'ONU

La violence contre les Travailleurs Ruraux Sans Terre dans l’État de Pernambouc dénoncée à l’ONU



Par Terra de Direitos

Plus de cent familles du Campement Gregório Bezerra, de Agrestina/Pernambuco, subissent de constantes agressions physiques et psychologiques depuis l’occupation des terres de l’hacienda Serro Azul en avril 2011. Plusieurs dénonciations sur la situation de ce campement ont été déposées auprès des pouvoirs publics brésiliens sans que soit prise aucune mesure de protection des travailleurs ni que soit sanctionné aucun des auteurs de ces crimes.

Le Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans terre – et l’organisation des Droits Humains Terra de Direitos ont donc envoyé ce 20 septembre 2012 une dénonciation á l’Organisation des Nations Unies – ONU sur la violence perpétrée contre les travailleurs ruraux sans terre qui vivent dans les campements de l’État de Pernambouc. 

Ces faits se sont produits depuis l’occupation des terres improductives de l’hacienda Serro Azul, latifundo de près de mille hectares, le 18 avril 2011, dans la municipalité d’Agrestina.

Les plus de cent familles des campements sont constamment agressées par un représentant de l’hacienda, Luis Reis, et par près de 15 gardes particuliers des propriétaires. A partir de février 2012, le Sergent de La Police Militaire de Pernambuco José da Costa Lima s’est joint à la répression contre les habitants du campement. 

La participation directe de Lima a généré une intensification de La violence et signifié la formation d’une milice privée pour protéger les intérêts du propriétaire du latifundio.

La dénonciation envoyée à l’ONU explique que ce policier militaire est également impliqué dans d’autres situations de violence contre des travailleurs ruraux et reçoit des “lopins de terre” pour services rendus et autres « faits d’armes » dans la région. 

En échange de l’exécution d’expulsions forcées, Lima a reçu des terres dans les municipalités de São Joaquim do Monte et Agrestina, État de Pernambouc. 

Une autre action illégale du sergent s’est produite ce 25 juillet 2012, lorsqu’il a tiré sur des travailleurs ruraux. Lima fut arrêté pour ces faits mais fut aussitôt relâché.

Face aux différentes violations commises contre les familles paysannes du Campament Gregório Bezerra, la dénonciation de l’ONU exige de l’État brésilien qu’il informe sur les mesures prises pour protéger la vie des travailleurs, pour enquêter et punir les responsables de ces crimes et pour mettre en oeuvre l’expropriation de l’hacienda Serro Azul en application de la loi sur la fonction sociale de la propriété rurale. 

La dénonciation demande également à l’ONU de faire des recommandations pour surmonter la situation de violation des Droits humains au Brésil.


Historique de la violence

Quelques jours après l’occupation des terres de l’hacienda, les familles ont obéi à un ordre judiciaire de rendre la terre au grand propriétaire et ont abandonné volontairement la zone, sur base de la promesse des pouvoirs publics d’enquêter sur la plainte pour non-accomplissement de la fonction sociale des terres. 

Les familles ont monté un campement dans un lieu proche de l’hacienda Serro Azul, et bien que demeurant en dehors de la propriété, ont continué à subir des menaces.

En octobre 2011, sans la moindre tentative de négocier en vue de dégager une issue pacifique, les familles ont été brutalement expulsées, leurs maisons brûlées sans qu’il leur soit permis de retirer leurs objets personnels ; quelques uns des travailleurs se trouvaient encore chez eux lorsque les buldozzers ont commencé à détruire les constructions ; et les travailleurs qui ont tenté de réagir ont été menacés de prison.

L’action violente a compté sur la participation du Promoteur de Justice du Bourg d’Altinho, d’un officier de justice et de policiers militaires faisant partie du Bataillon “Companhia Independente de Operações e Sobrevivência na Caatinga – CIOSAC”, du Groupe d’Appui Tactique Itinérant – GATI et de la Troupe de Choc, accompagnés de Luiz Reis, représentant de l’hacienda Serro Azul et de plus de 20 “pistoleros” armés.

Faute de réponse de la part des autorités responsables, le 28 janvier 2012 les travailleurs ont réoccupé l’hacienda Serro Azul. 

Une autre série d’actes de violence fut commise contre les habitants des campements, jusqu’à une nouvelle expulsion forcée le 9 mars. Campant de nouveau aux abords de l’hacienda, les travailleurs ont continué à subir menaces et pressions.

Dans un des cas les familles ont été surprises par des tirs d’armes à feu en pleine nuit. Deux femmes et un adolescent de quinze ans ont été atteints par les tirs. 

Une autre menace répétée est la présence aux  alentours du campement d’hommes armés montant à cheval, intimidant les travailleurs avec des armes à feu et avec les chevaux eux-mêmes.

Ce 29 mai, un adolescent du campement fut menacé d’une arme à feu par Luiz Reis, alors qu’il sortait d’une église dans la municipalité d’ Altino. 

D’autres dénonciations contre Reis ont pour motif l’agression physique envers une agricultrice blessée à la gorge, et pour coups et blessures à un paysan, qui a eu deux côtes brisées et a été menaçé d’une arme à feu par le policier militaire Roberto José da Costa Lima. Cinq travailleurs ruraux, parmi les dirigeants du campement et du MST, sont menacés de mort.


Délit par omission de l’État brésilien

Le cas de l’hacienda Serro Azul montre non seulement une claire démission de l’État mais aussi la participation de certains agents publics dans les violences physiques et psychologiques contre les travailleurs. 

La Police Civile de l’État de Pernambouc, sans approfondir les enquêtes sur les différents crimes commis contre les familles, a classé tous les dossiers relatifs aux dénonciations.

Sur la base du rapport de classement de l’enquête, les magistrats du Ministère Public de l’État de Pernambouc ont également archivé la plainte contre le promoteur de Justice du Bourg d’Altinho.

 La Promotrice Agraire de l’État de Pernambouc a critiqué durement le classement et le délit par omission de la Police Civile.

La situation démontre aussi l’incapacité de l’Institut National de Colonisation de la Réforme Agraire (INCRA) à enquêter sur les dénonciations pour improductivité et abandon de la fonction sociale des terres de l’hacienda Serro Azul : les familles privées d’accès à la terre et empêchées de la faire produire, se trouvent en grave risque de vulnérabilité sociale et économique.

Campagne d’appui aux familles


Pour sensibiliser l’État brésilien et adopter des mesures face à la situation de violations des droits humains contre les travailleurs, une campagne d’envoi de lettres est lancée avec l’appui de l’organisation Grassroots International. En tout ont déjà été envoyées plus de sept mille lettres d’appui du monde entier pour exiger des mesures en faveur des familles.


Source : MST du Brésil